Agenda de la pensée contemporaine
(cet article est paru dans le N° 09 hiver 2007-2008 )
articles parus en ligne
Sommaire des
anciens numéros:
N°01
|
N°02
|
N°03
|
N°04
|
N°05
|
N°06
|
N°07
|
N°08
|
N°09
|
N°10
|
N°11
|
N°12
|
N°13
|
N°14
|
N°15
|
N°16
|
N°17
|
N°18
|
N°19
|
N°20
|
|
N°21
|
N°22
|
N°09 - ouvrages recencés
par
Ouvrages recencés Naissance du politique en Occident : la « piste religieuse » par Irène Rosier-Catach Alain Boureau nous propose une lecture « autre » des textes théologiques médiévaux, qui y repère des implications politiques majeures. Son travail, qui mêle avec virtuosité les sources et références les plus diverses, a l’immense mérite de donner tout simplement un sens -à des discussions qui sont désormais très loin de nous et dont la sophistication comme les thématiques sont souvent déroutantes. Une telle invitation est bien sûre risquée, mais aussi libératrice et euphorisante, parce qu’elle offre une échappatoire à la machine scolastique, qui sait si bien enfermer dans ses rouages huilés le lecteur -qu’elle arrive à happer. « Dieu ne restera pas muet », à propos du sionisme : messianisme et nationalisme par Étienne Balibar Il s’agit de confronter ici trois ouvrages récemment parus à propos du sionisme, qui domine toujours le « sens commun » des perceptions de laquestion juive et de son intrication avec l’histoire et les fonctions de l’État d’Israël. Dans la différence de leurs positions sur des points névralgiques, ils ont en commun de remettre en question l’idée d’une « coupure » entre le religieux et le politique, et de montrer dans la par trajectoire d’Israël, non pas sans doute une « histoire sainte », mais une histoire des puissances du sacré dans le monde profane, et de ses effets sur ceux-là mêmes qui s’en servent. Herméneutique du don par Françoise Gaillard Quoi de plus spontané apparemment que le geste de donner ? Cependant, c’est là un geste qui a une très longue histoire, que Jean Starobinski exhume avec une érudition élégante et qu’il met au service de son projet d’élaboration d’une herméneutique de la donation. Ce geste renvoie en effet au rituel du jet de dons divers à la foule, lors des grandes fêtes ou des réjouissances collectives, dans le monde païen comme dans le monde chrétien. Cette dispensation publique, dans notre Moyen âge, avait nom : « largesse », mais l’on en retrouve la pratique à des époques plus reculées et dans des cultures différentes de la nôtre. Le droit contre le code ? par Philippe Raynaud Le public français connaît mal l’œuvre de Friedrich Karl von Savigny (1779-1861), qui passe à la fois pour philosophiquement inconsistante et politiquement réactionnaire. À ceux qui voudront juger sur pièces, il est recommandé de lire son « manifeste » récemment traduit et publié au moment où l’Allemagne, libérée de l’hégémonie napoléonienne, cherche à refonder ses institutions politiques et son droit civil. Éloge de l’imperfection par Frédéric Gros Peut-on penser à la verticale de la question : Qu’est-ce que la politique ? C’est-à-dire y entrer, et surtout y faire entrer ses lecteurs, sans aligner des fiches de lecture, sans a priori réducteur, sans « passer à la moulinette » les doctrines ou les grandes œuvres ? Bref, est-il possible de discuter en la matière les références théoriques européennes, de telle sorte que celles-ci soient les éléments d’une sorte de dialogue intérieur platonicien, toujours imparfait et perpétuellement relancé, sur la République, la liberté, l’État, etc. C’est ce qu’ont tenté et réussi à faire Jean-Marie Donegani et Marc Sadoun. Quand l’éthologie bouleverse la philosophie par Patrice Bollon Plus d’un siècle et demi après la parution de L’Origine des espèces, l’hypothèse darwienne, qui faisait de l’homme un animal parmi d’autres, ne semble paradoxalement pas avoir modifié de façon substantielle notre manière de dessiner sa place au sein du vivant et de définir son identité. C’est de ce curieux décalage entre les avancées continuelles des sciences – et notamment de l’éthologie contemporaine – et notre conception philosophique dominante, d’origine cartésienne, que part Jean-Marie Schaeffer, pour tenter d’en finir avec l’« exception humaine ». Sonner le glas de l’humanisme, ce n’est pas dire la fin de l’homme par Tiphaine Samoyault Après un XXe siècle où l’on a traité les hommes « comme des animaux », il est capital de penser la relation de l’homme à l’animal autrement – du moins si l’on veut continuer à penser l’homme. Par-delà la séparation de l’homme et de la nature, le problème est donc, aujourd’hui, de réfléchir avec Jean-Marie Schaeffer à des liens nouveaux, hors de toute guerre et de toute opposition. L’esprit humain est-il un « système normal » ? Sur la folie de Gödel et l’envers de la logique Que s’est-il passé dans la vie ou dans la tête de Gödel autour des années 1935-1936 ? En quoi sa « folie » éclaire-t-elle ses découvertes logiques ? Quel rôle jouent ses obsessions dans sa trajectoire intellectuelle ? Et surtout qu’a-t-il pensé durant la dernière moitié de sa vie, alors même qu’il s’éloignait de la recherche mathématique et ne publiait presque plus rien ? Telles sont les principales questions dont traite Pierre Cassou-Noguès dans cet essai, de manière tout à la fois précise, claire et séduisante, en tressant l’histoire à la fiction, la science à la métaphysique, et ses propres rêves à l’« hyperrationalisme » de Gödel. Entre cultures : la double lumière par Pierre Chartier Hisayasu Nakagawa est l’un des rares intellectuels japonais (sinon de l’Orient extrême) à pouvoir rendre compte, au sens fort du terme, du vis-à-vis de nos cultures. Il incarne ce vis-à-vis de manière totale, mais aussi totalement discrète, épurée. Ses Mémoires en sont le signe exemplaire, notamment en ce qu’ils contribuent à donner sa dimension existentielle à l’idée que les conditions de possibilité d’un véritable échange entre les langues et entre les cultures, passe par la reconnaissance active des plis dans lesquels chacune d’elles se trouve prise. « À l’ici, même lointain, la poésie touche seule » (première partie) par Martin Rueff On ne saurait réduire l’intensité éthique et politique de l’œuvre de Claude Mouchard à des préoccupations formelles ; mais ce serait se fourvoyer tout autant que de ne pas comprendre que la condition de cette intensité était d’inventer une forme capable du cri. Où l’on apprend ce qu’il en est, aujourd’hui, des rapports de la poésie, de l’injustice et de la colère, et comment ils se déploient dans la forme du « pamphlet-poème ». Théâtre de la philosophie, entretien avec Antonio Negri Propos recueillis par Aliocha Wald Lasowski « Pour moi, la rencontre entre le théâtre et la philosophie ne repose pas seulement sur les arguments que l’on traite ou sur les figures déployées : elle dépend surtout du langage. Il faut transformer le langage, il faut l’enraciner dans un dialogue, passer de la communication abstraite à une communication pleine qui permet aux corps de se rencontrer les uns les autres. C’est ça le théâtre. » Dramaturgie du politique, entretien avec Alain Badiou Propos recueillis par Aliocha Wald Lasowski « Je crois que la fonction la plus importante du théâtre est de faire saisir l’écart entre le corps ordinaire (et aussi la langue commune) et les différentes formes du corps glorieux… Le théâtre doit être aujourd’hui à la recherche de ce que peut bien être la grandeur, dans les mornes conditions du matérialisme démocratique. Et toute grandeur réelle doit pouvoir être présentée à même les corps fictionnés du théâtre. » Note : Alain Badiou propose de restituer dans un prochain texte les enjeux philosophiques du dernier livre de François Whal, Le Perçu. Des Droits de l’homme – notion d’universalisant par François Jullien Comment penser les Droits de l’homme ? François Jullien aborde ici une des questions clés du dialogue entre les cultures. À l’approche des jeux Olympiques de Pékin qui rendent le débat encore plus virulent, il propose une façon d’articuler l’invention européenne des Droits de l’homme, si singulière au regard des autres cultures, avec l’exigence d’universel fondant la légitimité a priori de la protestation.
|
---|